Je t'écris ce poème Pour te dire que je t'aime Car tu es ma maman Bonne fête maman
Après j'avais plus d'idée. A cause des pieds ; les pieds c'est compliqué.
J'ai mis plein de couleurs. J'ai entouré le poème dans un grand rond très jaune. Et j'ai fait des rayons tout autour du rond.
Ma maman m'avait dit : "Tu rangeras ta chambre samedi". J'ai pas eu le temps. A cause du poème. La poésie, c'est long à faire, surtout quand c'est bien présenté.
Le dimanche, j'ai offert le poème à ma maman. J'ai dit : "C'est moi qu'ai inventé le poème. Toute seule". D'abord elle a dit :
- Oui, ça rime.
Puis elle a dit :
- Tu t'es pas cassé la tête.
Et aussi :
- Ta chambre est rangée ?
J'ai rien dit.
Alors ma maman est rentrée dans ma chambre. Y avait des habits par terre, pas beaucoup mais un petit peu. Ma maman a dit :
- C'est bien la peine de m'écrire des poèmes ! Si tu m'aimais vraiment, tu aurais rangé ta chambre.
J'ai rangé ma chambre. Même les livres ; j'ai mis tous les Oui-Oui ensemble, séparés, parce que les Oui-Oui, c'est mes préférés.
J'ai appelé ma maman pour lui montrer :
- Regarde maman, c'est tout en ordre. Ça te plaît ?
Elle a dit :
- Non - Non... ça ne va pas tous ces Oui-Oui, c'est bébé. Faudra les donner à ta cousine.
Puis elle a soupiré :
- Je ne sais pas ce qu'on fera de toi...
Moi non plus. Je ne sais ce que je vais devenir. J'ai peur de finir des linquants.
Quand on n'est pas sage, on finit des linquants, souvent.
Comme les voisins d'en face, ma maman dit qu'un jour ils finiront des linquants.
Linquant, c'est pas dans le dictionnaire. J'ai regardé.
Quand je serai grande, je ferai un dictionnaire avec tous les mots qui sont pas dans le dictionnaire ; pour les enfants.
Mes enfants, je leur expliquerai tout bien : les vraies fleurs, les fausses fleurs, les fleurs qui comptent, les fleurs qui ne comptent pas, les verres à pieds, les linquants.
Le soir de la fête des mamans, j'ai demandé à ma maman :
- Maman, pour de vrai, tu m'aimes ?
Elle a dit :
- Ne pose pas de questions idiotes ! Tu t'es lavé les dents ?
La fête des mamans, c'était il y a longtemps maintenant.
Maintenant, je regarde les mamans. Les mamans des autres enfants. A la sortie de l'école, j'espionne.
Y a des mamans, quand elles voient venir leur enfant, elles sourient tout à coup. Un sourire comme pour dire : je le reconnais, c'est lui, c'est mon enfant. Un drôle de sourire. Du soleil dans leurs yeux.
Y a des mamans, elles embrassent leur enfant, ou bien elles lui passent la main dans les cheveux. Elles le touchent. Lui prennent la main sur le chemin. C'est pas toutes les mamans, mais c'est beaucoup de mamans qui font comme ça.
Y a des mamans, elles donnent des noms d'animaux à leur enfant. Mon petit chat, mon lapin, mon biquet, mon oiseau, ma grenouille, mon poussin.
Hier ma maman est venue me chercher à l'école, parce qu'il fallait aller chez le docteur juste après, pour le vaccin.
Quand elle m'a reconnue, à la sortie, elle m'a dit :
- Vite, vite ! On a rendez-vous, dépêche-toi !
A ce moment-là, juste à côté, y a une maman qui a parlé à son enfant. Elle lui a parlé doucement, mais j'ai entendu. La maman a dit "Je t'aime".
Ma mère aussi, elle a entendu. Elle a haussé les épaules. Elle a fait son air vexé ; son air fâché, celui qu'elle fait toujours quand elle entend des gros mots.
Pour ma mère, ces mots-là c'est des gros mots.
Quand je serai une maman je dirai des gros mots. J'en dirai tout plein ; j'en dirai tous les jours. Je t'aime mon petit chat, mon lapin, mon biquet, mon oiseau, ma grenouille, mon
poussin. Je t'aime mon enfant.
J'ai mal au coeur.
C'est à cause du vaccin, sûrement.
!!~~ .. ~~!!Posté le 10.04.2010 à 14:00 - : 1 : 9008